Libération ne fait-il pas un faux procès à Lou Doillon ?

Il y a quelques jours Lou Doillon taclait les stars du moment Beyoncé, Kim K et autres Nicki Minaj. Elle avait déclaré « ma grand-mère a lutté pour autre chose que le droite de crâner en string » et j’en avais d’ailleurs fait un billet, partageant le point de vue de la fille de Jane Birkin. Si vous avez suivi l’affaire, vous savez que ses propos ont fait polémique. Libération et Brain magazine lui ont répondu de façon très virulente, taxant au passage la demoiselle de bobo raciste.

Un faux procès ?

Dans son papier, Libé reproche à la chanteuse/actrice/fille de d’être une « féministe des beaux quartiers. » Effectivement, on peut voir une contradiction entre les propos tenus par Lou Doillon et ses photos nues pour le célèbre photographe des stars, Terry Richardson. Mais est-ce vraiment la nudité qui pose problème à la jeune femme ? J’aurais tendance à dire que non. J’imagine que ce n’est pas non plus la culture populaire et urbaine de ces nouvelles icônes qui dérange, mais plutôt leur vulgarité sachant qu’elles s’adressent à un public jeune.

Pourtant le journal continue ainsi :

D’un côté, une «fille de», bien née, bien éduquée, vivant entre gens de bonne compagnie.(…) De l’autre, des stars du hip-hop, non blanches de surcroît, qui mènent leur vie comme elles l’entendent et qui n’hésitent pas à casser tous les codes, quitte à déstabiliser. Peu importe qu’elles multiplient dans leurs concerts et leurs interviews des messages pour donner confiance aux femmes, pour les appeler à se libérer. Non, pour Lou Doillon, elles ne peuvent pas savoir, elles ne peuvent pas comprendre, elles se font forcément du mal à elles-mêmes. (…) Malheureusement ce mépris de classe est récurrent, tout comme ce réflexe inconscient qui considère que ces femmes noires ne peuvent maîtriser leur corps et leur sexualité.

Et si ces propos avaient été tenus par quelqu’un d’autre ? Si c’était une jeune femme sans photo topless à son actif et issue de la classe moyenne qui avait déclaré la même chose, qu’aurait répondu Libé ? Bien que n’étant pas particulièrement fan de Lou Doillon, je trouve leur article injuste.

L’accusation (à demi-mot) de racisme est facile. Il faut arrêter de voir du racisme partout. La chanteuse a certes cité des vedettes noires mais pas que. Je rappelle que Kim K est blanche, mais elle aurait été verte ou bleue que ça aurait été pareil. Ensuite dans quel esprit tordu sont-ils allés trouver une lutte des classes ? Rappelons que Paris Hilton est blanche, issue d’une grande dynastie (sa soeur vient d’épouser un Rothschild pour un mariage estimé à 1 milliard de dollars !), pourtant selon moi elle rentre tout autant dans la catégorie des poufs qui renvoient une mauvaise image de la femme à nos ados influençables…

Le cas Nicki Minaj…

J’aurais cependant une seule question à poser au journaliste qui a pondu le papier sur Lou Doillon : « Avez-vous traduit les paroles d’Anaconda, le tube de Nicki Minaj à la couverture si élégante et raffinée ? » (voir la photo ci-dessus)

Je vous laisse découvrir les paroles originales et traduites en français ici. Pour faire bref ça parle de sexe, de coke et de flingue. Vous vous doutez bien que le mot anaconda ne fait pas référence au serpent… Elle fait l’apologie de la criminalité et son comportement est à la limite de la prostitution puisqu’elle couche pour se faire offrir de jolies fringues : « I make him buy me Balmain. » D’ailleurs question : est-ce féministe de se faire entretenir par son homme ?
A la fin de sa chanson elle devient même insultante envers les filles minces : « Fuck the skinny bitches ! Fuck you if you skinny bitches » alors qu’elle même utilise son corps (mince !) pour vendre des disques.

En français ce genre de texte ne passerait jamais, il y aurait des Biiiip à chaque phrase. Bref, c’est immoral, c’est vulgaire, c’est digne de nos plus grandes cagoles et si j’avais une fille je serais vraiment dégoûtée qu’elle soit fan de Nicki Minaj… Madonna dans les années ’80 c’est de la gnognotte à côté.

Il y a plusieurs féminismes

Après je suis d’accord pour dire qu’il y a plusieurs sortes de féminisme. Comme on le disait l’autre jour, il y a les puristes et les néo. La tendance aujourd’hui est de disposer de son corps librement. Choquer pour interpeller, sauf qu’à force de voir des corps nus… est-ce que ça interpelle encore ?

Chacun peut y voir ce qu’il veut. Dans le cas de Nicki Minaj et ses consoeurs, j’y vois surtout un côté objet sexuel qui me dérange. Quand Rihanna se fait casser la tête par son « bad boy » puis qu’elle remet le couvert avec lui façon Bonnie & Clyde, quelle image renvoie-t-elle ? Certainement pas celle d’une femme forte et libérée. Plus proche de la poupée gonflable que des grandes figures féministes qui ont apporté une évolution à la condition des femmes dans le monde, quel message veulent-elles faire passer ? Est-ce qu’inciter les femmes rondes à s’assumer est une raison suffisante pour dénigrer publiquement les plus minces ?

J’ai bien plus de considération pour la jeune Malala Yousafzai, mutilée à 14 ans pour ses idées, parce qu’elle luttait pour le droit des femmes à l’éducation dans son pays. Notons au passage qu’elle n’a pas eu besoin de se déshabiller pour obtenir le prix Nobel de la Paix, ses idées lui ont suffit (mais encore faut-il en avoir !).

J’ai lu dans un commentaire que Beyoncé était très classe, sainte nitouche et qu’elle dansait de façon sexy mais sans connotation sexuelle.

C’est évident !
Le mot de la fin revient à la réalisatrice et ancienne actrice porno Ovidie, qui a le point de vue le plus mesuré quant à la situation :

Montrer son cul si on en a envie, oui. Être obligée de le montrer quand ton métier c’est musicienne parce que sinon plus personne ne s’intéresse à toi, pardon, mais c’est loin d’être une libération. Et je constate que la nudité n’est argument de vente que quand t’es jeune et bonnasse.