Quand j’étais petite, mon père au volant s‘époumonait souvent contre ces femmes qui refusaient de le laisser s’engager dans une voie, lui bloquant systématiquement son engagement dans une file de voiture ou lui refusant la priorité…
Un matin, dans le quotidien embouteillage monstre de la sortie d’autoroute, mon père emprunta la bande d’arrêt d’urgence (ben quoi c’est une urgence un retard à l’école ! non ?).
Voyant le fraudeur dans son rétro, une femme devant lui déboita légèrement son véhicule pour lui bloquer le passage : le message était clair : tu ne passeras pas ! TOUT LE MONDE sera en retard !
Inutile de vous dire que mon père fût au bord de l’apoplexie et se transforma en odieux misogyne !!!
Je pensais naïvement qu’il s’agissait d’une question de solidarité, les femmes conduisant depuis relativement peu devaient se défendre contre les sales machos qui avaient inventé la phrase : « femme au volant, mort au tournant ».
A 18 ans, après quelques mois de permis, force fut de constater que moi aussi j’étais devenue une odieuse misogyne : les marseillaises au volant ne vous laissent JAMAIS passer !!
Je suis bien placée pour en parler : lassée de n’avoir aucun remerciement ou de me faire insulter alors que j’étais prioritaire (un comble), j’appliquais l’une des maximes routières marseillaises : moi d’abord !
Quant aux marseillais eux, c’est un peu différent… ce sont des hommes… donc perméables au charme…
Ils condescendent parfois, dans leur IMMENNNNSE mansuétude à vous céder le passage :
1 – en vous indiquant d’un signe (méprisant ?) du menton que vous pouvez vous engager
2 – avec un petit sourire narquois, genre « vas-y petite, t’as vu ? J’ai le pouvoir mais je te laisse passer »
3 – avec un sourire enjôleur si-je-te-laisse-passer-tu-me-files-ton-numéro ?
4 – parfois tout simplement, mais parfois seulement…
Lassée de jouer la séductrice en exhibant mes 32 dents (euh non 28…), ou la suppliante en faisant les yeux du chat potté, j’ai découvert une 3ème attitude particulièrement efficace dans les gros embouteillages : je joue celle qui a renoncé au combat, l’épuisée, la perdue pour la vie : la femme en détresse ! Autant dire l’artillerie lourde !
La technique :
- mains placées à 11h et 13 heures, légèrement effondrée sur le volant (point trop n’en faut, restons crédible) ou le visage blotti au creux de la paume, accoudée à la vitre
- ne pas hésiter lors des heures de pointe à placer le front sur le haut du volant comme si vous vous étiez à bout de forces, accrochée au volant (attention toujours crédible…)
- très important : le regard dans le vague droit devant, comme hypnotisée, vous êtes bloquée depuis une heure sur le jarret mais même pas mal ! Style : un embouteillage… ?! ah bon ?
Et là, au moment de vous engager : comme pour l’escrime et toujours digne du Chat Potté : la botte secrète :
- vous regardez la route d’un air totalement absent, puis tournez machinalement la tête vers la voiture vous obstruant le passage et là : crac !
9 fois sur 10, touché par votre apparent désespoir, il vous laisse passer ! (sauf si c’est une femme…, là ya rien à faire…)
Attention : dernière chose : TOUJOURS faire un petit geste de remerciement ou un faible sourire style « merci pour cette lumière de gentillesse qui vient d’illuminer la noirceur de mon moral »
La politesse sur la route est si rare à Marseille que ça fait toujours plaisir et participe à l’éducation des conducteurs.
Message aux marseillaises : eh les filles, si nous étions plus solidaires au volant ?
Sand…
J’ai eu envie de laisser un commentaire, juste pour souligner que la mauvaise conduite n’est pas spécifique au Marseillais malheureusement. Je crois que c’est pareil partout en France et surtout dans les grandes villes. Mais ton article m’a fait mourir de rire et oh combien ça fait du bien
Je suis absolument ravie que mon article t’ait fait rire, c’est, très modestement, l’ objectif
Tu as raison les français au volant se comportent vraiment mal, mais à Toulon 95% des automobilistes sont polis, aimables et respectueux du code de la route. Et même si c’est aussi dû au phénomène “petite”ville”, je ne me lasse pas de m’en émerveiller !! A tel point que j’ai toujours un temps d’adaptation quand je conduis de nouveau dans le centre-ville de Marseille :
- ah oui c’est vrai si je veux passer avant ce soir je dois forcer le passage, “m’incruster”…
Terrible !