Le cas Virgin Megastore
Qu’on soit client ou pas, la nouvelle en janvier dernier de la mise en faillite de Virgin Megastore a fait l’effet d’une bombe dans l’actualité économique du pays. De nombreux arguments ont été avancés, de nombreux politiques s’en sont mêlés mais au final personne n’a rien fait. Darty vient d’annoncer ses difficultés, Harmonia Mundi la fermeture de certains de ses magasins quand les Furets du Nord (ex propriété de Virgin) tire son épingle du jeu. Comment en est-on arrivé là, quel avenir pour les employés ?
Virgin, qu’est-ce que c’est ?
Virgin Megastore c’est l’histoire d’un homme, Richard Branson, à qui l’on prédisait un avenir sombre en raison de ses mauvais résultats scolaires. Seulement voilà : il avait beau être un cancre à l’école, c’était un visionnaire. Son entreprise est rapidement devenue une marque internationale, déclinée en une multitude de sociétés plus juteuses les unes que les autres. Le premier Megastore a ouvert en France en 1988 sur la prestigieuse avenue des Champs Elysées aux numéros 50-52. A l’époque, la marque dotée d’une très forte identité a ringardisé ses concurrents, Fnac en tête. Moi-même j’y ai travaillé quelques années pendant mes études. Je n’avais ni postulé à la Fnac, trop supermarché à mon goût, ni chez Cultura, trop plan-plan. Non, ce que je voulais c’était bosser chez Virgin parce que Virgin, c’était cool !
Bref l’histoire de l’enseigne c’est une success story comme on les aime d’un seul homme parti de rien et qui a bâti un empire.
Comment en est-on arrivé là ?
En 2001 monsieur Branson décide de revendre les Megastore à Lagardère. En 2007 ceux-ci refilent la majorité du bébé à BCP, un fond d’investissement qui n’y connait pas grand chose à la culture. En 2013 BCP annonce la mise en faillite de l’enseigne et espère une fermeture rapide pour limiter les dégâts. Les employés reprochent à Butler de ne jamais avoir investi le moindre centime dans l’entreprise, ce à quoi le FI se défend d’avoir injecté plus de 50 millions. Oui mais voilà, il ne s’agit pas de mettre de l’argent dans une boîte pour qu’elle tourne, encore faut-il qu’ils aient été bien placés… et c’est là que le bât blesse.
Lors de l’annonce du dépôt de bilan, les médias et politiques ont accusé l’effondrement du marché physique du disque en pointant du doigt notamment Amazon. Les plus fidèles d’entre vous savent ce que je pense de cette phrase toute faite qui ne veut rien dire. D’autant plus lorsque l’on sait que très paradoxalement, les disquaires indépendants résistent plutôt bien à la « crise ».
La vérité est que Virgin a clairement une dizaine d’années de retard sur ses concurrents. Ils n’ont pas su s’adapter, n’ont pas pris le virage internet à temps via la vente par correspondance, ils achetaient beaucoup, ils achetaient mal et ont centralisé une offre étendue à tous les magasins alors que chaque région a sa spécificité, sa clientèle. Alors que les gens aimaient venir et farfouiller dans les rayons à la recherche de la perle rare, la centrale n’envoyait plus que du convenu. Les vendeurs ont perdu ce côté « disquaire expert » qui faisait la différence. Un grand nombre de mes amis fans de métal ne mettaient plus un pied dans ces magasins car ils ne trouvaient que le dernier Christophe Maé dans les bacs, pas vraiment leur « came ». Autre erreur stratégique à mon sens, le manque d’animation. Aujourd’hui les Virgin ressemblent plus à des supermarchés qu’à des magasins spécialisés. Oh, il y a bien d’autres choses encore que j’ai vu à l’époque mais dont je n’ai pas le droit de vous parler !
Il parait que les derniers temps certaines personnes semblaient réagir, certes un peu tard mais c’est toujours ça. A croire que leurs idées étaient trop bonnes pour être mises en place, ou que le plan secret de la direction était la liquidation car ces projets n’ont jamais vu le jour.
Quel avenir pour les employés ?
Outre cette mauvaise gestion, la mise en faillite des Virgin Megastore pose un problème éthique : celui des employés. Les médias parlent de 1200 postes menacés. Je ne connais pas les chiffres, j’ignore s’ils incluent les CDD. A ce jour la majorité des magasins sont condamnés, les Champs en tête dans la mesure où le Qatar veut récupérer son immeuble. L’enseigne Rougier & Plé aurait fait une offre partielle portant sur 11 magasins (la chaîne en compte 26) mais les journaux en savent très peu à ce sujet. Il semblerait qu’elle souhaite continuer à exploiter la marque Virgin et aurait proposé de conserver 285 employés, soit même pas un tiers. D’après certaines sources, les syndicats auraient mis en place un système de points permettant à un employé d’un point de vente repris d’être viré si une personne mieux « notée » d’un magasin qui ferme prétendait à son poste. Un système qui a fini de plomber le moral des salariés. Réponse fin mai/début juin. La rumeur veut que la PDG soit actuellement en vacances au Mexique. Au moins une dans l’entreprise qui s’éclate !
Le 30 avril s’est déroulée une grande manif à Paris pendant laquelle on a appris que la chaîne n’avait pas de quoi financer un PSE digne de ce nom ; ainsi les employés devraient partir avec le minimum légal convenu dans leur convention collective, soit trois fois rien.
Moi présidente…
Au risque de parodier un certain président de la République, moi PDG de Virgin j’aurais depuis bien longtemps réduit la surface de mes magasins (on parle de 10 millions/an pour le loyer des seuls Champs Elysées). Moi PDG de Virgin j’aurais engagé des spécialistes pour anticiper le changement de consommation des français et pris le virage internet depuis plusieurs années déjà. Moi PDG de Virgin j’aurais engagé un chargé de com’ dans chaque magasin pour animer et dynamiser la surface de vente chaque jour/semaine (et je ne parle pas QUE des dédicaces). Moi PDG de Virgin j’aurais revu mes négociations à la baisse avec les Majors qui s’en sont mis plein les poches pendant des années ; idem avec les organisateurs de spectacles qui n’ont de cessent d’augmenter leurs tarifs pour des marges en magasin infimes. Moi PDG de Virgin j’aurais misé sur le retour du vinyl depuis longtemps et agrémenté mon espace musique de matériel DJ et MAO (musique assistée par ordinateur/home studio). Moi PDG de Virgin j’aurais fait entrer le numérique dans mes points de vente par le biais de bornes et d’applications smartphone. Moi PDG de Virgin j’aurais créé un espace découverte de jeunes talents ouvert au public et organisé des soirées privées pour retrouver cet esprit cool qui faisait la différence.
Seulement voilà, à l’époque je n’étais qu’une petite caissière, celle à qui les clients souriaient en pensant « pauvre petite, si seulement tu avais continué tes études tu n’en serais pas là » sans savoir que j’étais justement étudiante à la fac et prête à conquérir le monde ! Bien sûr nous avons tous eu nos mésaventures chez Virgin, Fnac, Darty ou Boulanger mais en parler ici serait stérile et hors sujet. De même le discours »Virgin a coulé les indépendants, maintenant c’est son tour » n’apporte rien de constructif au débat. Pensons plutôt aux employés, mes ex collègues, qui attendent et cogitent depuis des mois sur leur avenir en cette période peu propice au plein emploi.
Allez, pour les nostalgiques de la grande époque et afin de ne pas terminer sur une note négative, voici une scène culte du cinéma français : la rencontre entre Charlotte Gainsbourg et Johnny Depp au Virgin des Champs Elysées (extrait de Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants – Yvan Attal). A l’époque je n’ai pas eu cette chance mais Zidane était un de nos clients réguliers !
http://www.dailymotion.com/video/xaom75
[…] rentable, devient également une activité Cultura, en revanche ses 230 employés sont licenciés. Comme Virgin en son temps, les magasins Milonga ont été très mal gérés ces dernières années. Les salariés se disent […]
J’aime bien le magasin de la rue St Férréol, un superbe immeuble de grand standing, et le midi le restaurant est toujours plein, bonne ambiance, et on y mange pas mal. On peut passer un très long moment agréablement dans cet univers culturel et cultuel pour beaucoup …
Pour reprendre Mallory : Alexandra présidente !!!
Je ne connaissais pas l’histoire bravo pour cet historique intelligent et ton avis éclairé !
C’est gentil mais malgré tout c’est la mort de l’enseigne
Merci pour l’extrait en vidéo Les destins des grandes « boîtes » se font et se cassent sans jamais penser un seul instant aux destins des employés , c’est un monde inhumain. J’ai lu avec attention tes propositions frappées du bon sens … pourquoi les dirigeants n’y pensent-ils pas ? Je me prends à penser qu’ils se refusent à y penser, à évoluer avec leur temps, parce qu’ils se sont trouvé d’autres intérêts juteux ! Bonne journée Bises
Mais c’est surtout que ces gens détruisent leurs propres entreprises en prenant de mauvaises décisions. Ma foi, je dois être trop jeune pour comprendre ^^