Doutes et faux-semblants – D’après une histoire vraie, Delphine de Vigan
Voilà un roman dans lequel Delphine de Vigan louvoie habilement entre vérité et fiction, on a du mal à définir où se trouve la ligne de démarcation.
La narratrice Delphine, mère de deux enfants écrit des romans ( tiens, ça me rappelle quelqu’un !) Au cas où il nous resterait une hésitation sur son identité elle nous présente son compagnon, François, critique littéraire.
Alors là le doute n’est plus permis, il s’agit bien de son compagnon François Busnel et on est dans la vérité vraie … Ou pas, car Delphine a l’art de brouiller les pistes pour mieux nous perdre dans les méandres de son inspiration.
Même si cela a eu lieu, même si quelque chose s’est passé qui ressemble à cela, même si les faits sont avérés, c’est toujours une histoire qu’on se raconte. On se la raconte. Et au fond l’important, c’est peut-être ça.
La vérité est le fil conducteur de ce roman, je dirais même plus, c’est l’obsession des principaux protagonistes qui s’affrontent sur ce sujet tellement d’actualité symbolisé par le succès de la télé réalité. Peut-être un sujet de roman à venir ?
L’histoire commence mollement, Delphine nous fait part de ses doutes après le choc d’un grand succès littéraire, des dommages collatéraux qui s’en suivent et du manque d’inspiration. Le ton monocorde employé est au rythme de sa vie, une vie apparemment tranquille, faite de routine derrière laquelle se cache sa peur du lendemain. Contre toute attente, lors d’une soirée, Delphine rencontre ‘’L’’ une femme superbe et attirante qui très vite deviendra son amie, sa meilleure amie. Pour Delphine ‘’L’’ est le modèle à suivre, la femme idéale, sûre d’elle, qui gère toutes les situations, comprend, protège, console, celle dont on ne peut plus se passer.
A partir de là, la cadence du roman change, le tempo s’accélère, on passe dans un autre registre. Un climat anxiogène s’installe et nous met instinctivement en état d’alerte.
Avec ce roman, Delphine de Vigan se rapproche du thriller, on sent comme une odeur de Stephen King qu’elle ne manque pas de citer. Elle démontre avec brio la facilité avec laquelle un individu peut user de son pouvoir charismatique pour manipuler l’autre jusqu’à l’irrémédiable. Les états d’âmes propres aux écrivains en panne d’inspiration servent d’alibi à ce roman critique et lucide, la vulnérabilité dans laquelle ils se trouvent les rend poreux à toute intrusion malsaine.
Après Rien ne s’oppose à la nuit, la barre était haute et je ne m’attendais pas à être de nouveau secouée et plus que tout surprise par le genre. Delphine de Vigan nous en met plein la vue, elle nous ballotte sur un chemin malaisé, nous happe et nous jette dans la gueule du loup.
D’après une histoire vraie est déjà un gros succès de librairie et sa présélection au prix Goncourt ne peut qu’augmenter sa popularité bien méritée.
A tous ceux qui n’ont pas encore lu ce roman je conseille de se munir de petits cailloux pour retrouver le chemin de la raison.
D’après une histoire vraie, Delphine de Vigan (Editeur : Lattes – Paru le 26 Août 2015)